Le masque de source : BOBO-SIMA
Il est appelé également Pohou-Pohou Sima [pohou-pohu sima] dans le village de Kiriao. Son visage est long, de teinte uniforme: noire, rouge, bleue, verte ou zébrée régulièrement de blanc. Il se dégage de sa physionomie une aimable expression due à toutes ses rides et à sa grande bouche (uhukla) articulée (uhukenamu) édentée donnant au masque une ressemblance certaine avec le chimpanzé.
Bobo-Sima ( DYNAMIQUE DE LA SOCIETE OUOBE. LOI DES MASQUES ET COUTUME GIRARD J 1967)
Son front est bombé et partagé verticalement par une nervure en relief. Relativement petits, ses yeux adoptent la forme de globes (pohadri) fendus horizontalement pour dissimuler le regard du porteur. La vue de Bobo-sima est donc interdite aux femmes et aux gbono.
Des appendices en tronc de cône à but décoratif, jaillissant de ses pommettes, sont destinés à amuser les spectateurs. Le nez est busqué, à fortes narines apparentes et les oreilles sont rabattues sur les joues. Son srihauruêhê de couleur claire rappelle par sa propreté le rôle du masque. Bobo-sima est très imposant. De haute taille, pesant, il demande à être porté par un homme robuste qui, de plus, doit avoir par sa réussite dans la vie, fait la preuve qu'il bénéficiait d'une chance exceptionnelle, c'est-à-dire d'une puissance magique particulièrement grande.
Quel est le rôle de Bobo-sima? Assurer la propreté des sources, car l'eau revêt une importance considérable pour la population. Elle est "source de vie " car elle permet l'existence quotidienne dans le village, et parce qu'elle se trouve à l'origine de l'arrivée des hommes sur terre. Enfin, elle renferme la puissance des ancêtres morts.
De même que le puisage de l'eau à la source, le nettoyage de celle-ci incombe aux femmes. Comment Bobo-sima remplit-il son rôle?
Un matin, en effectuant sa promenade d'inspection dans le village, il voit par exemple la source dans la malpropreté. Son but étant de veiller à la salubrité publique. Il décide de la faire nettoyer. II se dissimule donc dans une case pour appeler les femmes, et ensuite dans une autre case à proximité de la source pour les surveiller et les exhorter au travail. II réveille le village un peu avant l'aurore par le chant suivant:
"En soglou seni ou hamou
Ni kpin ylin oue he blohe oue"
dont la traduction littérale est:
« Levez-vous, femmes du village pour nettoyer la source.
Savez-vous que si elle reste sale, nous attraperons tous des maladies? »
Les femmes se lèvent aussitôt, se rendent à la source où Bobo-sima qui les a précédées s'est caché pour les attendre, et répartit les tâches entre elles dès qu'elles arrivent. Puis, il entonne un nouveau chant, qu'elles reprennent en chœur:
« Ah Poho, Po ho Si Mah, a Siman Po »
Lorsque l'ardeur des travailleuses ralentit, il les encourage d'une voix douce:
« Toua louo gueu a djihé bly Gbanka dgideu a bly... » signifiant :
« Nettoyez la source.
La santé vient de l'eau, mais
Surtout de la terre... »
Si elles n'obéissent pas assez rapidement, il menace: « Eya ya gueu gô là leu, Eya, ta, etc. »
« Femmes nettoyez proprement,
Le masque arrive, gare à vous!»
Puis pour rendre ses paroles plus dures, il ajoute:
« Mimba de bo gueu ba,
Mimba dé oh Ghanhoué»
c'est-à-dire:
« Le masque ne connaît ni mère ni père, ni frère, ni sœur,
Prenez garde à lui. »
Tout en travaillant, les femmes ramassent des poissons qu'elles entassent dans leurs canari. Lorsque la source est enfin propre, Bobo-sima, de sa case, leur ordonne de se mettre en rang et de rentrer. Elles se placent donc l'une derrière l'autre et reprennent le chant qu'il a commencé:
« Pohia pa de blanou A yé gbin anoblanou »
Après avoir fait en chantant le tour du village, elles se séparent. Chacune regagne sa case avec sa cuvette pleine de poissons qui seront mangés le soir même, et non mis à sécher, car selon la croyance, « en eux se trouve la puissance de tous les ancêtres morts »