Comment est née l'expression "Si j'avais su"
" II y avait une fois, une pauvre femme qui vivait seule dans sa bicoque perdue au cœur de la forêt. Nuit et jour, elle réfléchissait au moyen d'échapper à la vie rude qu'elle menait.
Un matin, ne pouvant supporter plus longtemps sa solitude, elle leva les yeux et les bras au ciel et à genoux implora Dieu de lui venir en aide. Deux lunes passèrent, mais son isolement et sa misère restaient les mêmes. Alors dans un dernier sursaut de courage, elle fit savoir au Dieu puissant du Très-Haut qu'elle avait encore espoir.
Considérant le pitoyable état de cette femme, le Seigneur lui envoya un esprit vivant appelé " Si quelqu'un pouvait me faire ceci... ". Il suffisait d'émettre un désir pour le voir se réaliser immédiatement. Folle de joie, la femme alla se dissimuler dans un coin de sa cabane pour exprimer sa gratitude au Seigneur. Ensuite comme elle avait très faim, elle prononça ces mots :
- " Ah ! Si quelqu'un me faisait cuire à manger... Sa phrase n'était pas terminée que déjà surgissaient de toutes parts d'énormes chaudrons de riz, de couscous, de manioc, d'ignames et patates, et toutes sortes de plats également délicieux. Sans perdre un instant, elle se jeta sur la nourriture et mangea tout son saoul. Puis elle pria l'esprit de lui faire retrouver la jeunesse. Ainsi fut fait.
Quelques jours passèrent et un soir, alors qu'elle était assise dans le calme de sa case, l'idée de demander un enfant lui traversa l'esprit. C'était là pour elle, le plus sûr moyen de trouver le bonheur.
- " Ah ! Si quelqu'un pouvait me faire un enfant, dit-elle. Aussitôt à sa grande stupéfaction, un joli petit garçon tout nu lui tomba dans les bras. Un plaisir très doux inonda alors son cœur et pour manifester son allégresse, elle fit à l'enfant qui lui répondit par des pleurs, un beau sourire avec ses lèvres rouges et ses dents étincelantes de blancheur.
Des jours, puis des semaines passèrent et la femme demanda au génie de faire grandir son fils. Rapidement, celui-ci grandit sous ses yeux. En une heure, il devint, un colosse. Beaucoup de mois et d'années passèrent ensuite. La mère vivait avec son fils dans la brousse sauvage. Ils étaient parfaitement heureux et ne manquaient de rien, sans peine aucune.
Un jour pourtant, la femme redevint vieille, très vieille et la veille de sa mort, bénit son fils, lui donna des conseils et lui transmit son pouvoir magique. Aussitôt après, elle mourut. Le jeune homme eut beaucoup de chagrin. Il pleura pendant un jour et une nuit puis demanda à l'esprit d'enterrer le corps de sa mère. Ce qui fut fait en un éclair. Après, il pria le génie dont il était devenu le maître :
- " Construis-moi un grand village moderne, peuplé d'hommes, et fais de moi, leur Roi. Les ordres furent exécutés et un important village peuplé d'hommes, de femmes, d'enfants et d'animaux domestiques, ombragé de beaux arbres au feuillage épais, s'éleva au bord d'une jolie rivière poissonneuse. Sur la place, une foule tumultueuse se pressait pour élire son Roi qui n'était autre que le jeune homme.
Assis sur son trône, entouré de griots qui chantaient ses louanges et qui satisfaisaient tous ses caprices, le Roi s'adressa ensuite au génie :
- "J'ai envie d'aller au cabinet, dit-il. Emporte-moi sur une grande place, large, bien dégagée, très propre. Il y fut aussitôt transporté.
- "... déshabille-moi, continua le garçon téméraire. Et le pouvoir magique le fit, car il lui était absolument impossible de désobéir. Lorsque le jeune homme fut tout nu, il entendit une voix venue d'en haut, qui lui disait :
- " J'ai mis ta mère sous la protection d'un génie, afin de soulager sa misère qui me faisait pitié. Je ne t'ai pas permis de déshonorer mon pouvoir divin. Sois donc dorénavant responsable de tes actes. Le jeune homme tremblant ouvrit alors ses yeux que la crainte lui avait fait fermer et se vit accroupi, entièrement nu, sur une place pleine de gens qui le regardaient avec des yeux moqueurs et méprisants. Il eut alors si honte qu'il se changea en l'expression : " Si j'avais su ".
Source : Dynamique de la société ouobé, Girard J., IFAN 1967